Mon parcours d'autoédition, partie 3 : travailler son manuscrit
Publication : 11/11/2025 - Temps de lecture 10 min
Quel que soit le mode d’édition, tout écrivain sait que travailler son manuscrit est l’étape la plus cruciale de son projet. Loin de moi l’idée de vous proposer ici une « méthode d'écriture », cet article se focalisera surtout sur l’environnement de travail du manuscrit et les phases que je pratique.
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Typewriter Old - Photo par Tama66 - Pixabay
Articles de la série
- Partie 1 : Pourquoi ?
- Partie 2 : Les différents moyens de publication
- Partie 3 : Travailler son manuscrit
- Partie 4 : Se faire relire
- Partie 5 : Mettre en page son livre
- Partie 6 : Faire son site d’auteur
- Partie 7 : Publier son livre
- Partie 8 : Lancer son livre
- Partie 9 : Parler de son livre
Le moment est donc venu d’ouvrir un nouveau document et de laisser vos doigts danser sur le clavier pour donner vie à l’idée qui vous occupe l’esprit. Ou de gratter le papier, chacun sa façon. Toutefois, si c’est la vôtre, cet article risque de moins vous intéresser puisque je parlerai de support numérique ici.
Un travail itératif
Avant de commencer l’écriture, je préfère construire une trame globale que j’étofferai ensuite au fil des passes. Étant quelqu’un de visuel, je la décline sous forme de schéma avec draw.io, un outil de diagrammes en ligne simple à utiliser et bien pratique. J’y mets les grandes étapes, une ébauche de chapitrage se dessine, puis, une fois le plan à peu près terminé, je me lance.
De par mon expérience dans les projets informatiques, j’ai naturellement adopté une démarche itérative pour mes textes. On pourra me dire ce qu’on veut, mais une personne qui prétend être capable de produire du premier coup un manuscrit sans fautes, ni incohérences, ni problèmes de tournures, ni répétitions… C’est au mieux quelqu’un qui ment. Au pire, c’est un modèle de langage. Personnellement, je n’attache pas d’importance à la forme sur le premier jet. Je pose donc l’idée dans mon document, je développe les enchaînements et l’intrigue principale sans spécialement chercher à faire de belles phrases. Je préfère peaufiner la forme une fois le fond validé.
Il s’agit de la première itération. Elle commence dès les premières lignes et se termine lorsque le point final est tapé. Généralement, cette version ne quitte pas mon ordinateur en local, je ne la publie pas pour les relectures communautaires. Cette itération s’applique chapitre par chapitre.
Si je suis satisfait du fond, la deuxième itération démarre : j’améliore la forme. Le fond peut aussi subir quelques modifications, notamment pour gommer des incohérences découvertes à la relecture ou revoir des passages qui ne me plaisent pas avec le recul. À ce moment-là, je révise mes tournures, mes lourdeurs, les mots et participes que j’adore tartiner en veux tu en voilà, et je nettoie petit à petit mes défauts. Durant cette phase de correction, j’utilise le logiciel Antidote qui aide beaucoup à repérer ses tics d’écriture et perfectionner son texte. Cependant, ça reste un outil et donc vite limité.
Je publie alors cette version sur mon profil Epistolads où je partage mes brouillons en privé pour avoir des lectures avec des retours communautaires. Ce moment étant le plus long dans le temps, les gens relisant à leur rythme, je mets de côté ce projet et en travaille un autre. Cela me permet ensuite de revenir à froid dessus et le redécouvrir.
La troisième itération se déclenche après plusieurs relectures sur le brouillon. Le fond et la forme se font attaquer, donc ça me permet de reconsidérer tout ce qui pourrait clocher. Ici, contrairement aux premières phases, c’est le récit entier qui va être revu.
J’en profite pour évoquer une parenthèse avec les plateformes d’écriture comme Epistolads ou l’Atelier des Auteurs : n’oubliez pas que les annotations reçues sont des suggestions, pas des ordres. L’idéal est de pondérer les remarques, car ça dépendra beaucoup de la sensibilité et des affinités particulières de chaque personne. Enfin, il ne faut jamais mal prendre les remontées (mais si elles sont formulées sur un ton condescendant ou rabaissant, je les ignore – bienveillance, bordel !). Voyez-les comme des axes d’amélioration et de remise en question pour évaluer leur pertinence dans votre contexte. Nous en parlerons plus en détail dans l’article dédié aux relectures.
J’arrive ainsi à une quatrième itération qui est de nouveau poussée pour une relecture communautaire. Le plus dur avec cet exercice, c’est d’avoir des personnes motivées pour traiter un texte déjà lu ou de trouver de nouveaux relecteurs. Une fois cette itération terminée, je considère mon manuscrit comme prêt pour les prochaines étapes du travail éditorial.
Cette démarche itérative ne s’applique pas que pour une trame à étoffer. Mon roman La dernière expédition en a bénéficié à sa façon. C’était à l’origine une nouvelle d’environ 18 000 mots découpée en quatre chapitres, portée à une dizaine lors de sa seconde réécriture, puis à son format final de 330 pages lors de la troisième. Le même travail est en cours sur la réécriture de mon second roman, Le patient Daniel qui a presque quadruplé en longueur grâce à ça.
L’enjeu de l’histoire ici est donc de savoir s’armer de patience pour collecter assez de retours afin d’améliorer son manuscrit. L’écriture, c’est aussi beaucoup de phases de réécriture et un exercice de prise de recul, voire une phase de doutes, sur son travail. Vous n’y couperez pas !
La toile du manuscrit
Un écrivain, ça peint une toile avec des mots. Comme tout artiste, il a besoin d’un environnement de travail adapté. Dans cette deuxième partie, je vous présenterai quels logiciels j’utilise et comment je les configure.
Choisir l’outil avec lequel on est le plus à l’aise
Si vous vous attendiez à une affirmation publicitaire péremptoire disant que Machinsoftware est le meilleur choix pour écrire, pas de chance, mauvais endroit. J’ai longtemps observé dans ma carrière d’architecte technique informatique une pratique inefficace : on sélectionne un outil, puis on essaye de savoir ce qu’on va en faire. Non, d’abord, on identifie ses besoins et, ensuite seulement on choisit l’outil adapté.
Personnellement, je suis passé par plusieurs étapes. Mes premières publications ont été réalisées avec un simple éditeur de texte et du Markdown. Ça marchait bien, j’utilisais ça pour mon ancien blog, je l’emploie pour celui-ci aussi, mais je me suis vite retrouvé face à des limitations pour l’écriture littéraire. L’usage d’Antidote avec ce moyen était plutôt compliqué, je devais copier le texte dedans. C’est tolérable sur un article de blog. Pour un chapitre de 6 000 mots, c’est un ingérable. Enfin, je perdais des symboles typographiques, tels que les espaces insécables ou les apostrophes courbées.
Ma nature de libriste m’a fait rapidement opter pour LibreOffice après avoir testé OnlyOffice dont je disposais via la suite bureautique d’Infomaniak. Je n’ai jamais été un grand fan de ces logiciels, il m’a donc fallu un sacré temps d’adaptation. Toutefois, avec le temps, j’ai appris à l’utiliser pour en tirer son plein potentiel aussi bien dans la rédaction qu’à la relecture. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce second point dans l’article qui sera dédié à la correction. Si vous préférez Microsoft Word, Google Docs ou une tablette en argile, continuez avec.
Le meilleur outil est celui qu’on connaît et dont on sait qu’il est capable de répondre à son besoin.
L’un des principes que j’ai retenus, c’est qu’il vaut mieux avoir un modèle de document le plus proche possible du format qu’on vise. En effet, les pages A4 par défaut des traitements de texte sont trop larges. La colonne de lecture est fatigante, l’arrière-plan blanc plutôt agressif, et la police Times New Roman ou équivalente ennuyeuse à mon goût.
Mes autres outils ont déjà été mentionnés : Draw.io, pour schématiser les trames et leur enchaînement, et Antidote, pour la correction.
Créer son modèle de document
Le premier élément que j’ai redéfini dans mon modèle, c’est le format de page : A5. Plus petit, il est plus proche des formats de romans, même s’il n’est pas l’idéal. C’est un standard des plateformes d’autoédition. Il permet d’avoir une colonne de lecture plus confortable grâce à des marges de 2,5 cm de chaque côté. J’utilise une couleur chaude pour l’arrière-plan des pages au lieu du blanc par défaut : un jaune-or plutôt pâle qui est, je trouve, plus apaisant pour les longues sessions.
Vient ensuite le formatage du titre des chapitres. Mon conseil : restez simples !
Appliquez ce conseil à l’ensemble du modèle, d’ailleurs. En effet, ce n’est pas avec LibreOffice Writer ou Microsoft Word que vous allez mettre en page votre bouquin, donc ne vous compliquez pas la vie là-dessus. Un modèle trop complexe devient vite une plaie à maintenir, le moindre changement déglingue tout, une horreur.
Donc, pour les chapitres, je vous recommande d’activer la numérotation automatique (dans LibreOffice : Outils -> Numérotation des chapitres -> Numéroter). Ainsi, dans le cas où votre trame évolue et que vous désirez insérer un chapitre entre deux, vous n’aurez pas besoin de tout décaler.
Assurez-vous d’utiliser de vrais formats de titre qui seront reconnus par le navigateur du document pour explorer chapitres et sous-chapitres. Contentez-vous de modifier les modèles par défaut. Les logiciels de traitement de texte supportent très bien la notion d’héritage entre les styles.
Pour le corps du texte, essayez de vous rapprocher d’une mise en page de roman sans tomber dans l’excès. Retrait en début de paragraphe, pas d’espacement entre eux, interligne aéré, mais pas trop (le simple suffit), texte justifié, c’est propre et agréable à lire. Après tout, vous allez passer des heures dedans, autant que ça le soit le plus possible. À noter que la justification nous provoquera bien souvent des phrases avec beaucoup de vide peu esthétique. Ce n’est pas grave, ça se corrigera lors de la vraie mise en page.
Choisissez une police qui vous plaît. Pas trop fantaisiste, gardez une avec empattement (sérif) qui n’ait pas un espacement trop large entre les lettres. Ce blog utilise Droid Serif, mais à titre personnel j’ai une nette préférence pour l’EB Garamond. C’est la police utilisée pour La dernière expédition. Elle possède une certaine élégance, je l’utilise aussi dans mon modèle. Mon autre police favorite est Bitstream Charter, notamment utilisée dans l’EPUB de Bienvenue à Exiatis-4. Si vous préférez une police sans empattement (ou sans-sérif), faites-vous plaisir. La meilleure police est celle que vous aimez lire.
Je profite d’un aparté sur les polices d’écriture. Vérifiez toujours leur licence. Privilégiez une police libre diffusée via une licence du type SIL Open Font License pour ne pas vous retrouver face à des limitations d’usage ou à des droits à payer. Nous en reparlerons dans l’article sur la mise en page.
Vous pouvez configurer les en-têtes et pieds de page pour intégrer le nombre de pages et le titre de chapitre. N’oubliez pas que la longueur de votre manuscrit ne représentera pas celle de l’épreuve finale après mise en page. Il vous donnera une petite idée, cela dit. Nous aurons l’occasion de voir tout ceci dans l’article dédié à ce sujet.
Enfin, si vous écrivez aussi bien de la nouvelle que du roman, je vous suggère de créer deux modèles. La nouvelle sera beaucoup plus simple et ne nécessitera pas de chapitrage, par exemple.
Voici un aperçu de mes deux modèles :

Mon modèle pour les nouvelles

Mon modèle pour les romans
Vous pouvez librement vous en inspirer et l’adapter à votre convenance. Rappelez-vous : le but, c’est que ça vous plaise.
Voilà pour ce troisième article sur le travail de son manuscrit. Il aura été un peu plus long que les précédents, mais c’est un sujet dans lequel il y a beaucoup à dire !