Mon parcours d'autoédition, partie 4 : se faire relire
Publication : 29/11/2025 - Temps de lecture 10 min
La relecture de son manuscrit est une étape extrêmement importante pour un écrivain. Cet exercice demande de savoir poser un regard critique sur son œuvre, mais aussi d’accepter celui d’autrui. Dans cet article, nous aborderons les différents types de relecture possibles… dont leur coût.

Mistakes - Photo par annekarakash - Pixabay
Articles de la série
- Partie 1 : Pourquoi ?
- Partie 2 : Les différents moyens de publication
- Partie 3 : Travailler son manuscrit
- Partie 4 : Se faire relire
- Partie 5 : Mettre en page son livre
- Partie 6 : Faire son site d’auteur
- Partie 7 : Publier son livre
- Partie 8 : Lancer son livre
- Partie 9 : Parler de son livre
La première question qui doit vous venir à l’esprit est probablement : pourquoi se relire ? Le correcteur de mon traitement de texte ne relève rien, donc tout est OK !
Comme je disais dans le précédent article, écrire un texte parfait du premier coup, sans fautes, ni répétitions, ni lourdeurs, ni tournures foireuses, c’est impossible sauf à être un modèle de langage. Et encore. Apprendre à relire son texte est donc indispensable, et j’ai découvert au fil de mon expérience des petits « trucs » que je vous partage ici.
La relecture personnelle
Vous avez terminé votre chapitre, votre nouvelle, peu importe, le moment est venu de relire tout ça. Pour ce faire, vous n’avez qu’à repartir du début et commencer la lecture. Et là, vous vous demandez ce qu’il faut vérifier.
Pour ma part, je regarde d’abord si le texte est cohérent, fluide, si les actions et scènes se succèdent correctement, si les points de vue débordent selon le type de narration choisie, si les personnages sont creux, etc.
Vous allez aussi tomber sur des fautes d’orthographe, de grammaire ou de syntaxe à évaluer. La conjugaison est-elle correcte ? La concordance des temps ? Le style ? Par exemple, vous écrivez certains termes en italique (comme les mots étrangers), vous devrez vous assurer de la cohérence. De même, vérifiez que vous utilisez toujours la même façon de rédiger les dialogues.
Enfin, si vous écrivez de la fiction, il conviendra aussi de vérifier si vous avez correctement orthographié les termes inventés tout du long (noms de lieux, personnages, etc.).
Il existe quelques outils pour s’aider dans ces tâches.
Les outils de la relecture
Le premier outil que je conseillerais est Antidote. C’est un logiciel payant avec un abonnement annuel (60 €), mais en ce qui me concerne, il m’est indispensable. Il s’intègre avec LibreOffice sans difficultés et permet de corriger en direct différents problèmes de tournures, de lourdeurs ou encore de soucis de lecture. Il permet aussi de mettre en visibilité les répétitions (j’ai réglé la distance à environ 80%, le paramètre par défaut est plutôt permissif) et aussi de détecter des ruptures ou des problèmes d’orthographe et syntaxe.
Vous pouvez également utiliser son dictionnaire personnel pour vous faire corriger vos termes inventés ou noms propres.
Comme tout outil, il reste limité et pourra vous infliger le doute sur des moments où il pointera une erreur qui n’est pas avérée. Charge à vous de développer votre esprit critique vis à vis de ses signalements, ça viendra avec l’expérience et le cumul des autres moyens. L’une des principales limitations est qu’il est canadien et peut parfois proposer du français canadien. À d’autres moments, il pourra aussi proposer des anglicismes. En ce qui concerne les répétitions, si Antidote vient avec un dictionnaire de synonymes, il est rapidement limité et suggère souvent des « faux » synonymes. Par exemple, vouloir remplacer « stressé » par « anxieux » serait malavisé, car ils n’ont pas la même signification.
Je vous conseille vivement deux meilleures références pour ça : le Dictionnaire Électronique des Synonymes du CRISCO ainsi que le Portail Lexical du Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales. Ce dernier vous donnera accès à différents types de dictionnaires plus précis qu’un Larousse ou Robert en ligne. Je les ai tous les deux définis comme moteur de recherche personnalisé dans mon navigateur Web.
Cerise sur le gâteau : ils sont gratuits et ne sont pas bardés de pubs.
Deuxième outil de relecture : votre traitement de texte. Non, je ne parle pas de son correcteur orthographique intégré qui est vite limité (tout comme les versions améliorées par des modèles de langage le sont aussi), mais une autre aide visuelle. Via le module Rechercher et Remplacer, vous pouvez appliquer des critères de mise en forme pour surligner vos termes inventés ou ceux qui ont besoin d’un stylage particulier. De même, vous pouvez mettre en valeur les italiques pour ne pas les louper.

Extrait d’une nouvelle avec une mise en valeur des noms propres et du stylage
Dans l’exemple ci-dessus, j’utilise un surlignage pour les noms propres et une autre couleur pour les italiques. Cela me permet de m’assurer que les termes et la mise en forme souhaitée (ici : l’italique pour le nom du vaisseau) sont cohérents tout du long.
Je vous conseille d’appliquer ce stylage à la fin pour la relecture globale. Le faire petit à petit sera fastidieux.
Troisième moyen de relecture : changer de support. Votre tapuscrit, vous le connaissez par cœur. Vous n’arriverez donc plus à voir ses défauts. Pour cela, je vous conseille une relecture avec une police d’écriture et un stylage différent. Rien que le passage d’une police serif à une police sans serif change beaucoup ! Exportez le document en PDF pour le lire ailleurs. Pour ma part, je le fais en EPUB pour le relire sur ma liseuse numérique. Les plateformes de publication comme Epistolads ou l’Atelier des Auteurs sont aussi un bon moyen de redécouvrir son travail sur un autre médium. Cette astuce marche du tonnerre.
Quatrième astuce : relisez dans le désordre ! J’ai remarqué que la relecture à partir d’un point aléatoire du texte me permettait de découvrir des soucis que je n’aurais pas identifiés avant. J’ai parfois expérimenté de relire des chapitres dans le désordre aussi et j’ai trouvé que ça marchait pas mal.
La relecture tiers
Si l’écrivain peut apprendre à avoir un regard critique sur le fond de son texte, la forme, c’est plus compliqué. En effet, à force de lire et relire votre récit, vous en apprenez par cœur les erreurs. Tout comme vous ne vous rendrez pas compte de vos tics d’écriture.
Personnellement, sur mes premiers jets, je tartine les participes passés, les verbes faibles, les répétitions, les « quelques », « puis », « mais », « encore », et j’en passe. J’ai aussi tendance à ne pas assez exploiter les connecteurs logique alors que le contexte s’y prête. Sans un regard externe, je n’en aurais probablement jamais pris conscience et ça m’a appris à les repérer.
Pour ça, vous devez apprendre à recevoir des retours négatifs. Car vous en aurez. Non, entendre « montrer plutôt que dire » (ou show don’t tell), « tournure à revoir » ou « terme maladroit » ne sont pas des attaques contre votre écriture. Ce sont des opportunités pour vous améliorer. Bien entendu, des retours bienveillants seront plus constructifs, à mon humble avis, que des remarques pédantes et condescendantes.
Ne vous retranchez pas derrière votre « style ». Un style d’écriture, ça évolue avec la pratique là où les tics d’écriture sont des petits défauts à corriger. Vous ne pouvez donc pas le considérer comme figé.
À titre d’exemple, j’ai eu tellement de commentaires et suggestions sur le tapuscrit de La dernière expédition que LibreOffice ramait ! Ça m’a énormément aidé.
Alpha, bêta relecture ? Kézako ?
On entend souvent parler de « alpha » et « bêta » relecture. Honnêtement, je ne sais pas si c’est quelque chose qui existe vraiment dans les circuits d’édition traditionnels. La majorité des articles que je trouve à ce sujet sur le Web proviennent de gens qui ont un service à vendre. Dans la mesure où j’ai trouvé aussi pas mal de sites anglophones qui en parlent, je suppose qu’on a affaire là encore à une pratique importée des États-Unis.
Qu’est-ce que l’alpha relecture ? C’est une personne qui va vous faire un retour pendant le processus d’écriture du livre. Elle n’est pas là pour corriger vos fautes, mais pour s’assurer que votre trame, vos personnages, le déroulement, tout est cohérent. À titre personnel, c’est une idée que je trouve plutôt intrusive et dont j’ai peur qu’elle influence l’écrivain. Je n’ai jamais eu recours à ce genre de service, donc j’ignore si mon appréhension est fondée ou non.
La bêta relecture se déroule après, une fois le roman terminé. Ici, votre prestataire va se charger de vérifier la cohérence, la crédibilité, la fluidité, les tournures, les maladresses, tout est censé y passer. C’est différent d’une correction où il n’y aura pas forcément de rectification des erreurs orthotypographiques, bien qu’elles puissent être signalées. Là aussi, je n’ai jamais fait appel à ce type de prestataire, donc je ne saurais vous faire de retour d’expérience dessus. Notamment parce que je préfère la relecture que j’appelle communautaire.
L’alpha et la bêta relecture sont des prestations payantes oscillant avec une fourchette de nombre de mots. De mes recherches, une alpha relecture se limite à une longueur maximale (une dizaines de milliers de mots, ou plusieurs chapitres) avec une fourchette de tarif oscilant entre 200 et 400 € par intervention sur les longueurs maximales.
La bêta relecture est plus onéreuse, car elle concerne en principe le livre entier. La moyenne que j’ai pu observer est entre 300 et 600 € selon la longueur du tapuscrit.
Ces prestations se soldent par la livraison d’un rapport sur le récit évalué avec tous les axes d’amélioration identifiés.
La relecture communautaire
La relecture communautaire se déroule sur les plateformes d’écriture en ligne, telles que Epistolads ou l’Atelier des Auteurs. Moyennant un donnant-donnant, des écrivains (dans la grande majorité des cas, des amateurs, mais quelques professionnels ou édités sont aussi présents) se relisent entre eux et se font des retours.
Pourquoi du donnant-donnant ? Parce que ces personnes le feront sur leur temps libre et s’attendront à une réciprocité. Tu me relis, je te relis. Petit à petit, on se construit sa communauté et ses habitués, la confiance se tisse. Pour ma part, c’est ainsi que je considère les termes « alpha » et « bêta » relecture. Il faudra aussi apprendre à faire le tri dans les retours, évaluer leur pertinence.
Ces plateformes sont un bon moyen, car c’est leur finalité. En effet, celles orientées publication (voir la partie 2 : Les différents moyens de publication) ne seront pas forcément un vecteur de retours quant au fond et à la forme du texte. Si je ne m’étais pas inscrit sur l’Atelier des Auteurs au début 2024, je pense que je serais encore dans le flou et je n’aurais jamais appris à m’améliorer.
La correction professionnelle
La correction professionnelle est le niveau supérieur. Comme son nom l’indique, vous faites ici appel à un professionnel pour corriger votre ouvrage. C’est une prestation qui a un coût loin d’être négligeable et pourra représenter la moitié, voire les trois-quarts de votre budget pour un projet d’autoédition.
Le professionnel va corriger votre texte sur la forme (orthographe, tournures, syntaxe, améliorations, etc.), et certains peuvent aussi intervenir sur le fond. Tout dépend du niveau de service choisi. Par exemple, une relecture « avancée » ira vérifier la cohérence de dates dans le cas d’un récit historique. Les retours d’un professionnel sont extrêmement intéressants de mon expérience, car ils permettent de prendre conscience de ses tics d’écriture et d’pprendre à tourner ou reformuler pour donner plus de dynamisme.
En ce qui concerne le coût, il s’agit d’un service généralement payé au volume du tapuscrit, souvent par tranche de milliers de signes, espaces compris. Selon la longueur du récit, vous pouvez tabler sur une fourchette entre 600 et plus de 1000 €.
Voilà pour cette partie sur la relecture. Cette étape importante est une opération qui se déroule sur toute la durée du travail d’édition. Plusieurs relectures sont nécessaires pour espérer gommer le maximum de coquilles ou d’erreurs.
Petite anecdote : mon roman La dernière expédition a été lu par plusieurs personnes sur l’Atelier des Auteurs avant que je le considère comme mature pour passer à la correction professionnelle et lancer son projet d’édition. Deux correcteurs pro sont passés dessus. Plus tard, lorsque j’ai ouvert la maquette EPUB livrée par le typographe, je suis tombé sur un « a était » qui avait échappé à tous les radars.
Quand je vois les coquilles qui peuvent subsister sur des éditions du marché, je me dis que personne n’est à l’abri. Relisez-vous donc sur le maximum de supports différents possibles, et cherchez à avoir la maximum de regards externes.